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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 208

Le mercredi 23 mai 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 23 mai 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Denise Desjardins

Félicitations pour l’obtention du Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui saluer et féliciter une institutrice de la nation Mistawasis, en Saskatchewan, Denise Desjardins, qui a remporté récemment un Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Depuis un an, Denise intègre avec énormément de succès la langue et la culture cries aux activités technologiques de sa classe. Les élèves de 1èreet de 2eannées sont extrêmement motivés, et leurs résultats en lecture se sont améliorés. L’un d’eux est même passé de 47 à 90 p. 100.

L’idée lui est venue d’intégrer la langue et la culture cries à la technologie en voyant les yeux de ses élèves se mettre à briller quand ils voyaient des photos d’eux-mêmes dans une histoire contenant des mots en cri. Preuve que le hasard fait parfois bien les choses, c’est justement à ce moment-là que l’école a lancé un projet pilote sur l’apprentissage individualisé au moyen de tablettes électroniques.

Denise Desjardins était sous le choc quand elle a appris qu’un Prix du premier ministre lui serait remis :

C’était déjà quelque chose d’être en candidature, parce que ce que je fais, je le fais pour les enfants et pour la collectivité.

Denise a adapté diverses applications en y intégrant du contenu lié aux Premières Nations afin que les élèves puissent envoyer des messages vidéo en cri à leurs parents ou, au moyen de la réalité augmentée, superposer une image — celle d’un aigle, par exemple — et le nom de l’animal, kihew dans ce cas-ci, sur la photo d’un tipi qui se trouvait en classe. Par-dessus tout, Denise tient au bien-être de ses élèves, elle en prend soin et elle veut qu’ils se développent bien, et c’est là-dessus que sont axés ses efforts.

Malgré les 130 kilomètres qu’elle doit parcourir matin et soir, Denise ne voudrait pas enseigner ailleurs parce qu’elle est trop attachée à ses élèves, qui sont nombreux à lui donner des câlins et à l’appeler familièrement « ma tante ». Voici comment elle résume son état d’esprit : « Je me sens chez moi ici, et c’est ici que je dois être. »

Au cours de la dernière année, alors que les enfants s’appropriaient leur langue et leur culture, Denise en a fait de même. Elle et ses élèves se retrouvent à présent dans un environnement d’apprentissage réciproque où, bien souvent, les élèves lui enseignent des mots en cours de route. Denise a dit : « Mon esprit s’est éveillé. […]. Nous l’apprenons ensemble. »

Le travail exemplaire de Denise Desjardins pourrait donner naissance à un effort à l’échelle nationale pour faire une place au matériel didactique et à la technologie adaptés sur le plan culturel dans les établissements d’enseignement ,puisque les grands avantages d’une telle démarche pour toutes les parties sont manifestes.

Félicitations à Denise Desjardins pour avoir obtenu un Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Saleem Mandviwalla, sénateur, vice-président du Sénat du Pakistan, accompagné d’une délégation du Sénat du Pakistan.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les crises qui sévissent à Churchill, au Manitoba

L’honorable Patricia Bovey : Chers collègues, la date d’aujourd’hui marque un anniversaire. J’adore souligner des anniversaires spéciaux. Cela nous permet de revenir sur ce qui a été accompli pendant la période en question et sur ce qui en a découlé.

Or, l’anniversaire d’aujourd’hui ne donne nullement envie de célébrer. Il marque la naissance d’une crise qui dure depuis beaucoup plus longtemps qu’elle ne l’aurait dû. Il y a un an aujourd’hui, le 23 mai, la voie ferrée menant à Churchill a été inondée, coupant le lien ferroviaire au port, à la porte d’entrée du Nord et à toutes les communautés autochtones situées entre Gillam et Churchill. Il n’y a pas encore eu d’accord quant à la responsabilité et aux réparations. Les gros titres en disent long :

Le 16 mars :

Au bout du rouleau […] l’hiver de mécontentement […]

Hier :

Une entreprise laisse tomber quelques semaines seulement après avoir manifesté son intérêt.

Le maire Spence ne se laisse pas arrêter par cela. La collectivité, avec le Canada et les entreprises Fairfax et AGT, poursuit les négociations avec un soutien positif et nous espérons que la situation se réglera bientôt.

La situation est de plus en plus difficile pour les familles, les travailleurs, l’ensemble de la collectivité, toutes les personnes qui se rendent là-bas, les touristes — le moteur économique de la région — et ceux qui font des affaires à Churchill et dans d’autres localités situées plus au Nord. Un seul navire céréalier a été chargé à Churchill l’été dernier. Le grain a passé l’hiver dans l’élévateur du port.

Des agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan m’ont dit que l’utilisation de ce port de la baie d’Hudson est le moyen le plus efficient et le plus pratique d’acheminer leurs marchandises jusqu’aux marchés. Pourtant, il est impossible d’assurer le transport du grain et d’autres marchandises jusqu’à cet endroit. Les prix des aliments et des marchandises augmentent beaucoup plus souvent dans le Nord que dans le Sud du Canada. Les pertes d’emplois sont en hausse. Churchill est maintenant une collectivité accessible seulement par avion. Toutefois, à la fin du mois de janvier, l’avion dans lequel je prenais place n’a pas pu atterrir à Churchill à cause de la présence d’un chariot en panne sur la piste. L’avion a dû atterrir plutôt à Rankin Inlet.

Aucune voie ferrée et aucune route — sauf la route de glace en hiver —ne dessert Churchill. De plus, ce jour-là, il était impossible d’y accéder par avion. J’espère sincèrement que, en ce jour de janvier, il n’y a eu aucun cas d’urgence médicale nécessitant un transport vers le Sud.

En juin dernier, des enfants stressés de la maternelle ont dit à leurs enseignants : « Papa ne sait pas s’il va pouvoir nous donner à manger cet hiver. » Pourtant, des palettes remplies de dons d’aliments se trouvaient à Thompson, en attente d’être transportées à Churchill. On me dit qu’il s’agit d’un vol de 6 000 $. Les organisateurs ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires, alors que les gouvernements ont refusé d’assumer les frais.

Cette situation nuit à de nombreuses activités, dont la livraison de matériaux de construction et de matériel de recherche par train. Les touristes ne peuvent pas non plus prendre le train pour se rendre à Churchill, où ils souhaiteraient voir des ours polaires en hiver, ou encore des bélugas, qui sont présents là-bas en ce moment. Cette situation continue d’avoir de graves répercussions sur la collectivité.

Vous souvenez-vous des grues qui ont chargé une locomotive et des wagons à bord d’un navire en partance de Montréal?

Chers collègues, je me demande ce que continue de coûter cette situation sur les plans financier et humain. En comparaison, combien aurait coûté la réparation de la voie ferrée dès le départ? À l’occasion de ce triste anniversaire, on ne peut que se demander ceci : quand une entente visant l’achat de la voie ferrée sera-t-elle conclue et quand les travaux de réparation seront-ils terminés?

Comme l’a dit le maire hier :

Nous ne voulions pas nous retrouver dans cette situation. Il est inacceptable que la ville soit privée de services ferroviaires depuis un an. Notre collectivité est résiliente et nous surmonterons cette épreuve.

Je me rendrai à Churchill au début de juillet pour constater la situation moi-même. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Judith McFaul, Chad William Findlay, Elizabeth O’Gorman-Smit, Greg Korek, Christina Franc et Vince Brennan. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Association canadienne des foires et expositions

L’honorable Robert Black : Votre Honneur, honorables sénateurs, je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

En 1792, John Graves Simcoe, le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, était d’avis que l’avenir du Haut-Canada reposait sur l’agriculture. Il souhaitait ardemment que la colonie peu peuplée du Haut-Canada devienne un pays agricole. Par conséquent, il a joué un rôle déterminant dans le développement des sociétés et des foires agricoles dans ce qui est devenu la province de l’Ontario.

Le rôle des premières sociétés agricoles en Ontario et dans l’ensemble du Canada consistait à améliorer l’agriculture dans les régions en important du bétail, des semences et de la machinerie. Dans bien des cas, les sociétés agricoles agissaient comme des coopératives en permettant aux agriculteurs locaux d’effectuer des achats ou en mettant à leur disposition du matériel — notamment des taureaux, des béliers, des animaux reproducteurs, des semences et des batteuses — que l’agriculteur moyen n’avait pas les moyens d’acheter ou d’importer.

(1410)

Les premières foires étaient davantage des marchés qui permettaient aux agriculteurs de vendre leurs produits. Lors de certaines foires, il y avait des compétitions de bétail, de grains et d’autres produits agricoles ou artisanaux.

Aujourd’hui, plusieurs foires sont même plus anciennes que le Canada. L’exposition du comté de Hants, en Nouvelle-Écosse, a 252 ans; la foire de Williamstown, juste au sud d’Ottawa, a 206 ans; enfin, Expo Lachute, au Québec, a 193 ans.

Comme l’a souligné Valerie MacDonald dans un article publié récemment dans l’Ontario Farmer, les foires donnent un aperçu de l’époque, sur le plan agricole, et reflètent les succès et les difficultés uniques à chaque région. Ils sont des pôles d’attraction, réunissant les collectivités rurales et incitant les membres de la famille à retourner chez eux. Aujourd’hui, les foires offrent aussi aux familles urbaines l’occasion de voir et de découvrir d’où provient leur nourriture.

À l’échelle nationale, les foires et les expositions sont représentées par l’Association canadienne des foires et expositions, qui existe depuis 1924. La vocation de cet organisme sans but lucratif est d’appuyer les foires, d’établir des partenariats et d’encourager la collaboration et l’innovation au sein du secteur en élaborant des programmes et en fournissant des ressources et des services. L’association représente 800 foires et expositions partout au pays, dont la taille varie de la foire rurale d’une journée à l’exposition urbaine de plusieurs semaines.

Ici, en Ontario, l’Ontario Association of Agricultural Societies existe depuis 1846. Elle représente plus de 200 foires et expositions. En tant que ressource pour ses membres, elle soutient les foires et les expositions en offrant des services de leadership, de communication et de sensibilisation et en encourageant la promotion du mode de vie rural.

Pourquoi visiter une foire? Les gens reviennent de loin pour visiter une foire qui a lieu chez eux, parce qu’il s’agit d’une tradition familiale. Les foires aident les nouveaux membres de la collectivité à s’intégrer. Elles incitent les gens à s’améliorer et à viser l’excellence, que ce soit en matière de bétail, de grandes cultures, de courtepointes, de biscuits, de pain ou de cornichons. Les foires offrent aux gens l’occasion de renouer avec l’agriculture, d’en apprendre davantage à ce sujet et de découvrir d’où provient leur nourriture.

Voici quelques statistiques. Dans l’ensemble du Canada, les foires agricoles ont des retombées locales de 1 milliard de dollars. Les dépenses liées à ces foires créent l’équivalent de 10 700 emplois à temps plein. Les programmes d’éducation en agriculture associés aux foires et aux expositions rejoignent des millions de Canadiens.

Les bénévoles sont le moteur des sociétés agricoles et des foires qu’elles organisent. Chaque année, ils consacrent aux foires des milliers d’heures de leur temps.

Plus tard aujourd’hui, nous aurons la chance d’assister à une réception qui a lieu dans l’édifice du Centre et qui est organisée par l’Association canadienne des foires et expositions. Je vous encourage à y assister, à rencontrer des personnes engagées dans ce secteur formidable et à en apprendre davantage sur les foires et les expositions qui se tiennent dans votre région. Manifestons notre appui pour le travail extraordinaire qu’accomplissent les foires et les expositions au Canada. Merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. René Bérubé et de Mme Céline Plourde. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Saint-Germain.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le ramadan

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je suis très heureuse que mes invités, les sénateurs du Pakistan, soient présents dans cette enceinte pour entendre ma déclaration.

Je prends la parole pour souligner le mois sacré du ramadan, dont les musulmans du Canada et du reste du monde observent les rites. Pour les musulmans, le ramadan commémore la révélation du Coran par Dieu à notre prophète bien-aimé, Mahomet. Que la paix soit avec lui. Le mois du ramadan est l’un des cinq piliers de l’islam.

Au cours du ramadan, les musulmans s’abstiennent de manger et de boire entre le lever et le coucher du soleil, tout en poursuivant tranquillement leurs activités quotidiennes sans se plaindre. Ainsi, le jeûne que j’observe ne m’empêche pas de siéger au Sénat et de m’acquitter de mes fonctions de sénatrice.

À première vue, le ramadan a l’air plutôt simple, mais il ne se limite pas du tout à ne pas manger et ne pas boire. Il réunit plusieurs piliers de la religion, notamment le renforcement de la foi de chaque fidèle, la prière et la charité. La dimension physique du ramadan a pour but de purifier le corps. Elle nous encourage à rompre avec toutes nos mauvaises habitudes. La faim que nous ressentons nous rappelle avec force les millions de familles qui ne mangent pas à leur faim tous les jours. Se mettre dans la peau d’une mère affamée, ou d’un père désespéré qui n’arrive pas à nourrir ses enfants, nous rappelle que nous devons être reconnaissants pour tous les bienfaits qui nous sont accordés.

La charité constitue également un élément important du mois du ramadan, tout particulièrement pour les personnes qui ne sont pas en mesure de jeûner pour diverses raisons. On accorde une grande importance au fait d’aider les personnes dans le besoin, et tous sont invités à donner une partie de leur richesse pendant cette période. En conséquence, les communautés musulmanes partout au Canada organisent actuellement des activités de bienfaisance pour venir en aide aux plus démunis, au Canada ainsi qu’à l’étranger.

Le Muslim Welfare Centre du projet Ramadan de Toronto est un exemple de la grande générosité de la communauté musulmane au Canada. J’appuie fièrement le projet et j’y travaille en tant que bénévole depuis de nombreuses années. Le projet Ramadan vise à bâtir des ponts et à trouver un terrain d’entente, et il aide à atténuer les préjugés liés au problème chronique de la faim dans notre pays, afin que personne n’ait à ressentir de la honte du fait de demander de l’aide pendant des moments difficiles. Le projet a permis d’amasser plus de 1 million de dollars et a aidé plus de 15 000 familles au cours des 10 dernières années.

Enfin, pendant le mois du ramadan, les fidèles sont tenus de faire la paix les uns avec les autres et de laisser de côté toute animosité personnelle. La façon dont on se comporte et ce que l’on dit est tout aussi important que s’abstenir de manger et de boire. C’est l’ultime façon de mettre à l’épreuve sa patience, sa force mentale et sa volonté.

Honorables sénateurs, le mois du ramadan offre aux musulmans l’occasion de se ressourcer sur le plan spirituel. C’est une période de réflexion durant laquelle ils prient et font acte de charité. C’est le meilleur exemple de ce qu’est cette religion qui est la mienne. Je vous demande de vous joindre à moi pour souhaiter à tous les musulmans au Canada Ramadan Moubarak. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Incidence sur le PIB d’une redevance pancanadienne sur le carbone : Hypothèse du DPB—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Incidence sur le PIB d’une redevance pancanadienne sur le carbone : Hypothèse du DPB, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 29 mai 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 29 mai 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 29 mai 2018, à 14 heures.

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Howard Wetston dépose le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (interception de communications privées).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Wetston, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1420)

ParlAmericas

La réunion interparlementaire sur les Partenariats pour la transformation des relations entre les genres, tenue les 24 et 25 janvier 2018—Dépôt du rapport

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la Section canadienne de ParlAmericas concernant sa participation à la réunion interparlementaire sur les Partenariats pour la transformation des relations entre les genres, tenue à Kingston, en Jamaïque, les 24 et 25 janvier 2018.

La constitutionnalité de l’attestation exigée pour le programme Emplois d’été Canada de 2018

Préavis d’interpellation

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la constitutionalité de l’attestation exigée par le gouvernement du Canada pour le programme Emplois d’été Canada de 2018.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources naturelles

Projet de loi sur le projet de pipeline Trans Mountain

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, hier, c’était un grand jour pour le Sénat. En effet, les sénateurs ont adopté le projet de loi S-245, Loi sur le projet de pipeline Trans Mountain. L’objet de ce projet de loi est de faire en sorte que le projet d’expansion de l’oléoduc et les ouvrages connexes soient exécutés sans entraves ni retards. Il déclare, en outre, ce projet d’intérêt général pour le Canada.

L’adoption de ce projet de loi s’est réalisée deux mois après que le Sénat a adopté à l’unanimité une motion demandant au premier ministre d’utiliser le pouvoir que lui confère sa charge afin d’assurer l’achèvement du projet conformément à l’échéancier prévu. Grâce au soutien des sénateurs de tous les groupes, le projet de loi S-245 est maintenant à l’autre endroit. Le premier ministre a dit très clairement que l’oléoduc sera construit. Il a aussi dit que le gouvernement poursuit activement des options législatives qui permettront d’affirmer et de renforcer la compétence du gouvernement fédéral dans ce dossier. Le projet de loi S-245 est la solution.

Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pourriez-vous confirmer que le gouvernement appuiera le projet de loi S-245 et fera en sorte qu’il soit promulgué rapidement à l’autre endroit?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question et, bien sûr, de son appui soutenu à l’égard du pipeline. Le gouvernement du Canada appuie également ce projet.

Comme je l’ai indiqué hier juste avant le vote, l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de ce projet est indéfectible. Le ministre des Finances a annoncé qu’il poursuit ses discussions avec Kinder Morgan. Il en a d’ailleurs précisé certains des paramètres. Comme le sénateur l’a mentionné dans son préambule, le gouvernement du Canada envisage diverses options législatives pour exercer le pouvoir dont il croit fermement être investi.

Pour ce qui est d’établir si le projet de loi que le Sénat a renvoyé à l’autre endroit constitue le véhicule approprié, il s’agit d’une décision qui sera prise en temps et lieu.

Les affaires étrangères et le commerce international

La condamnation du Hamas

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Le 16 mai, le premier ministre Trudeau a fait une déclaration dans laquelle il a uniquement attribué à Israël les récentes violences survenues à la frontière entre Israël et Gaza. Il a passé sous silence le rôle du Hamas dans ces événements. Le Hamas reconnaît que 50 des personnes qui ont été tuées lors des affrontements à la frontière étaient des terroristes à sa solde.

Qui plus est, Israël avait lâché des tracts avertissant les Gazaouis qu’ils risquaient leur vie s’ils approchaient de la frontière. Toutefois, le Hamas a payé des civils pour participer à l’assaut de la frontière, et a accordé une prime aux blessés ou pire encore.

Le premier ministre rectifiera-t-il le tir en reconnaissant à Israël le droit de se défendre et en condamnant le Hamas pour s’être livré à de l’incitation à la violence?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Le premier ministre, au nom du gouvernement du Canada, a exprimé ses regrets à la suite des affrontements qui ont eu lieu à la frontière et, à l’instar de plusieurs autres chefs d’État, il a préconisé une réaction plus modérée et proportionnelle. Le gouvernement du Canada estime qu’il faut accorder une attention immédiate à cette région du monde qui doit tenir compte des différents points de vue des pays concernés. Les tensions actuelles exigent des solutions et un investissement à long terme de la part des dirigeants.

Je suppose que les organismes internationaux, notamment ceux qui aident les personnes les plus durement touchées, continueront de débattre de cette question, mais cela constitue aussi un appel à toutes les parties à faire preuve de modération et à avoir une réaction proportionnée.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

L’attestation exigée pour les emplois d’été

L’honorable Pamela Wallin : Monsieur le représentant du gouvernement, comme vous venez peut-être de l’apprendre, j’ai lancé une interpellation quant à la constitutionnalité de l’attestation exigée dans le cadre du programme Emplois d’été Canada. Ma question fait donc suite à celles que plusieurs autres sénateurs et moi avons posées hier à la ministre.

Pourriez-vous nous dire si un énoncé concernant la Charte a été préparé au sujet de cette attestation? Dans l’affirmative, quand pourrons-nous en prendre connaissance?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénatrice de sa question. J’ai pris connaissance du préavis de motion et je suis impatient de participer au débat qui aura sans doute lieu lorsque le Sénat sera saisi de cette interpellation.

Je n’ai rien à ajouter à ce que la ministre a dit hier, à savoir qu’il y avait, selon elle, quelque chose de paradoxal à ce qu’une question protégée par la Charte fasse l’objet d’un énoncé concernant la Charte. Je vais malgré tout me renseigner et, si un énoncé à ce sujet existe, j’en informerai l’honorable sénatrice.

La sénatrice Wallin : Je vous en saurais gré. J’aurais peut-être pu vous le demander plus tôt, mais s’il existe un avis juridique du ministère de la Justice ou d’un autre organisme à propos de la constitutionnalité de cette attestation, il serait aussi utile que vous nous en fassiez part.

Le sénateur Harder : Je vais aussi m’en enquérir et je suis impatient de participer au débat qui aura lieu lorsque le Sénat sera saisi de cette interpellation.

Les transports

Taïwan—Air Canada

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Air Canada, notre transporteur national et le principal transporteur aérien du pays, a déclaré que Taïwan fait partie de la Chine. Le 25 avril, l’Administration de l’aviation civile de Chine a ordonné à un certain nombre de compagnies aériennes internationales, notamment plusieurs des États-Unis, de changer la description de Taïwan sur leurs sites web et leur matériel promotionnel. Les États-Unis ont refusé, mais le Canada a acquiescé à la demande. Pourtant, nous ne reconnaissons même pas la souveraineté de la Chine continentale par rapport à Taïwan.

Pourquoi le gouvernement permet-il à la Chine d’imposer son point de vue à notre société privée?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et de son intérêt continu à l’égard de ces questions. J’aimerais simplement répéter ce qui a été dit à l’extérieur du Sénat. Évidemment, Air Canada est une société privée et celle-ci est responsable du contenu de son site web. Le Canada adhère à la politique d’une seule Chine. Ainsi, il reconnaît que la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime de la Chine. Le Canada prend acte des déclarations de la Chine par rapport à Taïwan, mais il ne les approuve pas et ne les contredit pas. Le Canada s’oppose à toute mesure prise en vue de modifier le statu quo ou de susciter des tensions de l’autre côté du détroit de Taïwan. De plus, il s’oppose aux pressions coercitives exercées sur les sociétés privées visant une prise de position sur la question.

Le sénateur Ngo : Conformément à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, Air Canada est une société d’État relevant du ministre des Transports, l’honorable Marc Garneau. Le ministre interviendra-t-il afin de changer ce statut ou permettra-t-il à la Chine d’imposer sa loi dans notre pays?

Le sénateur Harder : L’honorable sénateur se trompe lorsqu’il dit qu’Air Canada est une société d’État; elle ne l’est pas. La société a été vendue.

Les affaires étrangères et le commerce international

L’ambassade en Arménie

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, étant donné votre position et celle de votre chef, M. Trudeau, sur l’importance de ne pas faire obstacle au respect des promesses électorales, quand pouvons-nous nous attendre à ce que le gouvernement remplisse la promesse électorale qui a été faite par la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, de rouvrir l’ambassade du Canada en Arménie?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je signale que l’honorable sénateur a déjà posé cette question. Je vais donc répéter la réponse que j’ai déjà donnée. La décision concernant les ambassades et les lieux où nous en avons est prise par le gouvernement en temps opportun.

[Français]

Le sénateur Housakos : Le premier ministre Trudeau a confirmé sa présence au Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en Arménie au mois d’octobre. Ne serait-il pas approprié que notre ambassade soit ouverte à ce moment-là, tel que le gouvernement l’a promis? Il semble que votre gouvernement fonctionne à partir d’une échelle d’importance lorsqu’il s’agit de promesses électorales. Je crois que les Canadiens, plus particulièrement ceux qui sont d’origine arménienne, méritent de savoir à quel échelon se situe cette promesse. Est-elle au même niveau que la légalisation du trafic de drogues illicites ou au même niveau que vos promesses concernant l’équilibre budgétaire, la réforme électorale, Postes Canada ou les déficits budgétaires modestes?Il est temps de respecter cet engagement du gouvernement et d’ouvrir une ambassade canadienne en Arménie.

(1430)

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa déclaration. Ma réponse demeure la même.

La justice

La nomination des juges

L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et fait suite à celle que j’ai posée en décembre dernier au sujet des postes de juge vacants à la Cour canadienne de l’impôt.

Le leader du gouvernement se rappellera peut-être que, l’an dernier, le juge en chef et un ancien juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt avaient tous deux affirmé craindre que le critère du caractère raisonnable relativement à l’impôt sur le revenu fractionné des petites entreprises ne donne lieu à une augmentation du nombre d’appels devant la Cour canadienne de l’impôt.

Lorsque j’ai posé ma question initialement, il y a plus de cinq mois, il y avait trois postes vacants à la Cour canadienne de l’impôt. Le 1ermai, il y en avait quatre. Par conséquent, je vais poser à nouveau la question que j’ai posée en décembre : le leader du gouvernement pourrait-il se renseigner pour savoir quand la ministre de la Justice compte pourvoir les postes de juge vacants à la Cour canadienne de l’impôt?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et je vais m’informer.

Le sénateur McIntyre : En décembre, j’avais également demandé au leader du gouvernement si le gouvernement avait un plan pour aider la Cour canadienne de l’impôt à traiter un plus grand nombre de cas, compte tenu des modifications qu’il a apportées à l’impôt des petites entreprises. Encore une fois, le leader du gouvernement pourrait-il me dire à quel moment je peux m’attendre à recevoir une réponse à ma question?

Le sénateur Harder : Je vais me renseigner et je vous reviendrai là-dessus.

[Français]

Les affaires étrangères et le commerce international

L’Organisation internationale de la Francophonie

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, depuis son élection à titre de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, Michaëlle Jean vogue de controverse en controverse. Elle a fait des dépenses astronomiques de rénovation à son appartement personnel. Finalement, il fallait bien qu’il y ait des ennuis. Un chauffeur pour son conjoint, un projet de croisière d’un million de dollars, rien ne semble trop beau. De plus, l’organisation tente maladroitement de cacher tout cela.

Le mandat de Mme Jean se terminera bientôt. Est-ce que le gouvernement Trudeau croit qu’elle mérite un autre mandat?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, permettez-moi de dire, au nom du gouvernement, que le gouvernement du Canada appuie Mme Jean dans son rôle. Elle est une Canadienne exceptionnelle et de grande distinction qui a très bien servi le Canada et la Francophonie.

[Français]

Le sénateur Carignan : Il semblerait que les pays africains, avec l’appui de la France, notamment, soient à la recherche d’un autre candidat. Le Canada compte-t-il tout de même insister sur la candidature de Mme Jean?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je transmettrai ces observations. Je souligne, toutefois, que le gouvernement du Canada annoncera sa position en temps opportun.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénateur Wetston, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-66, Loi établissant une procédure de radiation de certaines condamnations constituant des injustices historiques et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-66, Loi établissant une procédure de radiation de certaines condamnations constituant des injustices historiques et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Cormier, parrain du projet de loi, la sénatrice Andreychuk, porte-parole de l’opposition sur ce projet de loi, ainsi que les membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour leur travail dans ce dossier.

Le projet de loi C-66 a été présenté à l’autre endroit le jour où le premier ministre Trudeau a offert des excuses officielles à la communauté LGBTQ2. Il a reconnu, dans son discours, que la communauté LGBTQ2 avait été maltraitée au Canada. Je le cite :

Même si nous considérons le Canada moderne comme étant un pays évolué et progressiste, nous ne pouvons pas pour autant oublier notre passé: il n’y a pas si longtemps, l’État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour des communautés LGBTQ2 et a ainsi détruit des vies […]

[…] la responsabilité première de tout gouvernement est la protection de ses citoyens. Nous avons manqué à notre devoir à plusieurs reprises à l’égard des membres des communautés LGBTQ2, encore et encore.

Le premier ministre espérait, comme bien des Canadiens, que, en amorçant la discussion sur ces moments sombres de l’histoire canadienne, on pourrait aider la communauté LGBTQ2 à panser ses blessures et à se tourner vers l’avenir.

Le projet de loi C-66 est un élément important dans le processus d’excuses aux membres de la communauté LGBTQ2. Il permet de radier une condamnation prononcée en vertu de dispositions du Code criminel ou de la Loi sur la défense nationale pour l’exercice d’une activité sexuelle consensuelle entre des personnes du même sexe.

Comme l’a expliqué un témoin devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de l’autre endroit, la radiation a été choisie pour la raison suivante :

La radiation diffère des processus existants, notamment de la suspension du casier. L’une des principales différences tient au fait que la radiation sera possible à titre posthume, contrairement à la suspension du casier. Un casier suspendu est mis de côté pour la plupart des cas, mais il n’est pas détruit.

Le projet de loi C-66 permet à un membre de la famille ou à un autre représentant de faire une demande de radiation de condamnations injustes passées au nom de Canadiens défunts. Comme Tom Hooper, de l’Université York, l’a déclaré au comité :

La radiation des casiers judiciaires injustes est un élément essentiel du processus d’excuses aux Canadiens LGBTQ2.

Au Canada, plus de 9 000 personnes ont été déclarées coupables de crimes liés à des activités homosexuelles. Il s’agit d’un nombre considérable, certes, mais le but du projet de loi va au-delà de la radiation des casiers judiciaires. Honorables sénateurs, le projet de loi vise à corriger des injustices historiques dont a fait l’objet la communauté LGBTQ2, ce qui s’impose depuis longtemps.

Honorables sénateurs, le Sénat a toujours été un ardent défenseur des droits de tous les Canadiens. Peu importe leur sexe, leur race ou leur orientation sexuelle, tous méritent de vivre sans peur ni persécution. J’appuie fermement le projet de loi et je félicite le gouvernement de l’avoir présenté. Les témoins entendus par le Comité des droits de la personne appuient eux aussi le projet de loi.

Certains d’entre eux se préoccupent du fait que la radiation des condamnations ne sera pas automatique et qu’il faudra se soumettre à un processus de demande. Selon le paragraphe 8(2) du projet de loi, un demandeur doit fournir des documents contenant des éléments de preuve qui montrent que l’activité visée était exercée entre des personnes du même sexe, que ces personnes y avaient consenti et qu’elles étaient âgées de 16 ans ou plus au moment de l’activité.

Pour nombre de personnes, il peut être difficile de trouver la documentation nécessaire ou d’anciens partenaires pour faire radier des condamnations qui datent de plusieurs décennies. Certains demandeurs auront probablement besoin d’aide pour soumettre leur demande de radiation. Lors de son témoignage devant le Comité des droits de la personne, Gary Kinsman, professeur émérite de sociologie à l’Université Laurentienne, a dit ceci :

En tant qu’historiens, nous savons que la capacité des gens de rassembler la documentation nécessaire pour faire une demande de radiation d’une condamnation historiquement injuste et prouver le consentement et toutes les autres choses qui doivent être démontrées pour satisfaire aux dispositions du projet de loi C-66 pose de graves problèmes. Dans le cadre de ce projet de loi, le gouvernement doit non seulement produire du matériel éducatif et de la publicité sur la possibilité de faire radier les condamnations, mais il doit aussi fournir une aide directe, matérielle et concrète aux gens pour qu’ils aient accès aux documents dont ils auront besoin.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Kinsman, et il faudra mettre en place un plan de communications détaillé. Pendant les audiences du comité, j’ai été encouragée d’entendre le témoignage de Daryl Churney, directeur général exécutif de la Division de la clémence et de suspension du casier à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Il a assuré au comité que tous les efforts sont déployés pour que les demandeurs potentiels obtiennent toute l’information dont ils auront besoin lorsque ce projet de loi deviendra loi afin de les aider à suivre toutes les étapes du processus de demande.

Plusieurs témoins ont également souligné un autre problème : ce projet de loi précise que cette radiation ne s’appliquera qu’aux personnes qui étaient âgées de 16 ans ou plus au moment de l’activité ayant fait l’objet d’une condamnation. De nos jours, l’âge du consentement est établi à 16 ans. Cependant, il était fixé à 14 ans avant 2008.

(1440)

Devant le comité, Angela Chaisson, avocate de la défense chez Chaisson Law, membre de la Criminal Lawyers’ Association, a soutenu ce qui suit :

Le projet de loi C-66 n’harmonise donc pas l’âge requis pour la radiation avec l’âge de consentement tel qu’il était au moment de l’infraction. Cela signifie que deux personnes de même sexe de 15 ans qui ont eu des relations sexuelles en 2007, par exemple, et qui ont fait l’objet d’une accusation criminelle et d’une condamnation criminelle, ne sont pas admissibles à la radiation. Toutefois, si ces personnes avaient été hétérosexuelles, aucun crime n’aurait été commis.

L’honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a répondu à ces critiques dans les mots suivants lorsqu’il a témoigné devant le comité :

On a aussi posé des questions au sujet de l’âge de consentement. Les critères du projet de loi établissent l’âge de 16 ans à titre de seuil et prévoient une exception relative à la proximité d’âge, même s’il est vrai que lorsque la plupart de ces accusations ont été portées, l’âge légal du consentement était de 14 ans pour les partenaires de sexe opposé.

La raison pour laquelle nous avons choisi l’âge de 16 ans plutôt que l’âge de 14 ans est très claire : nous offrons la radiation pour des activités qui seraient légales aujourd’hui. Les activités sexuelles entre un adulte et un jeune adolescent ne sont pas légales aujourd’hui, pour une bonne raison, évidemment.

Les témoins qui ont comparu devant le comité ont également fait état de la portée très restreinte des infractions qui sont couvertes par la mesure législative : le projet de loi ne permettra pas de radier toutes les condamnations injustes. Seules les condamnations pour des infractions de grossière indécence, de sodomie et de relations sexuelles anales seront retirées.

Des témoins ont remis en question l’omission des dispositions sur les maisons de débauche, qui pourtant ont été expressément mentionnées dans les excuses que le premier ministre a présentées. À une question sur le sujet en comité, le ministre Goodale a répondu que les condamnations associées aux maisons de débauche ont été exclues du projet de loi parce que les dispositions en la matière sont toujours en vigueur. Au sujet des maisons de débauche et d’autres dispositions, il a affirmé ce qui suit :

En ce qui a trait aux autres dispositions, comme celles sur les maisons de débauche auxquelles vous avez fait référence, elles ne sont pas inconstitutionnelles par nature. Elles sont toujours en vigueur aujourd’hui. Le processus visant à aborder ces dispositions est beaucoup plus complexe.

Le fait que les descentes dans les maisons de débauche ne sont pas visées par le projet de loi est un sujet fort délicat pour certains militants. L’une des opérations les plus massives, l’Intervention Savon, a été menée le 5 février 1981. Lors des descentes, près de 200 agents d’infiltration sont entrés dans 4 bains publics à Toronto. Des fenêtres ont été fracassées, des propriétés ont été détruites, et plus de 300 hommes ont été arrêtés. De plus, 20 propriétaires d’établissement ont été accusés de tenir une maison de débauche, et 286 hommes ont été accusés de sodomie. Beaucoup de victimes ont été photographiées contre leur gré, et leur homosexualité a été révélée à leurs employeurs et aux membres de leur famille.

L’Intervention Savon a marqué un tournant pour les Canadiens LGBTQ2. C’est un moment où des Canadiens ont fait l’objet d’accusations, ont été sortis du placard et ont été victimes de discrimination simplement pour avoir été eux-mêmes.

Des événements semblables sont survenus à l’échelle du Canada. À Halifax, d’innombrables citoyens se sont fait arrêter à cause de leur orientation sexuelle, ou encore on refusait de les servir. Le 23 avril 1977, on a demandé à 20 hommes homosexuels de quitter une boîte de nuit populaire nommée The Jury Room. On leur a dit que les gens de leur espèce n’étaient pas les bienvenus. L’un des hommes en question, Curtis Shepherd, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, a expliqué qu’on l’avait arrêté alors qu’il avait bu la moitié d’une bière. Les autorités l’ont accusé d’ivresse et d’inconduite, non pas parce qu’il était réellement coupable d’inconduite, honorables sénateurs, mais parce qu’il était homosexuel.

L’Intervention Savon et l’expérience de Curtis Shepherd sont des exemples de préjudice extrême à l’égard des personnes LGBTQ2.

Honorables sénateurs, aussi horribles que soient ces exemples, ils montrent la force, le courage et la résilience de cette communauté. En effet, de tels incidents auraient pu réduire au silence les Canadiens LGBTQ2 mais, au lieu de cela, ils ont uni leurs efforts et participé à une série de manifestations et de discussions à l’appui des droits des minorités.

En 1987, 75 courageux Haligoniens ont décidé qu’il fallait que la violence et les préjugés contre les Canadiens de la communauté LGBTQ2 cessent. Bras dessus bras dessous, ils sont descendus dans les rues du centre-ville d’Halifax, où ils ont été accueillis par des menaces et des insultes. Plusieurs d’entre eux avaient décidé de porter un masque pour cacher leur identité, parce qu’à l’époque le fait d’être ouvertement homosexuel pouvait avoir de graves conséquences sur le plan professionnel et personnel. Ils n’ont pas laissé ces menaces bien réelles les arrêter, ils ont poursuivi leur marche avec bravoure, en solidarité avec tous les Canadiens de la communauté LGBTQ2. Cette marche a été déterminante. Elle a fait savoir à la population qu’une communauté LGBTQ2 existait bel et bien à Halifax et elle a rappelé aux Néo-Écossais qui luttaient avec leur sexualité qu’ils n’étaient pas seuls.

Cette marche fut le premier défilé de la fierté de Halifax. Nous avons souligné le 30eanniversaire du défilé de la fierté de Halifax l’été dernier.

Je remercie ces pionniers et les membres de la communauté LGBTQ2, qui ont amené un changement important au pays. Je remercie toutes les personnes qui ont décidé de parler ouvertement de leur sexualité, même au péril de leur carrière et de leur vie personnelle. Leur courage et leurs sacrifices ont entraîné un vrai changement au Canada.

Le député de la Nouvelle-Écosse Scott Brison, qui est le premier ministre du Cabinet à être ouvertement homosexuel, a récemment parlé lors d’une entrevue du fait d’être un politicien ouvertement homosexuel. Il a parlé de sa lutte avec sa sexualité quand il était un jeune homme et du fait qu’il a suivi le premier défilé de la fierté de Halifax quand il était étudiant à l’Université Dalhousie. Son histoire est celle de bien des jeunes qui ont grandi dans une société qui fait preuve d’une grande intolérance à l’égard de la communauté LGBTQ2. Le ministre Brison assume son orientation sexuelle. Il est un modèle pour beaucoup de jeunes Canadiens. Voici ce qu’il a répondu lorsqu’on lui a demandé si cela avait été difficile d’annoncer ouvertement qu’il était homosexuel alors que sa carrière repose sur l’opinion publique :

Des jeunes ou leurs parents viennent me voir et me disent : « Vous n’avez pas idée du bien que cela fait dans la vie de mon enfant, ou de mon fils ou de ma fille. » Je trouve cela très gratifiant de penser que je peux faciliter la vie de jeunes qui éprouvent des difficultés.

Honorables sénateurs, le premier ministre a effectué un premier pas important lorsqu’il a présenté ses excuses, à l’autre endroit, au nom de tous les Canadiens, pour les torts passés à l’endroit des Canadiens LGBTQ2. La voie de la guérison de ces blessures commence par ces excuses, et le projet de loi C-66 les transforme en actions concrètes.

Je reconnais que le projet de loi est un premier pas modeste et que l’on peut faire beaucoup plus. Comme l’a indiqué le ministre Goodale dans son témoignage devant le comité :

Nous avons [...] rédigé le projet de loi de manière à ce que le Parlement puisse ajouter d’autres infractions aux dispositions du projet de loi C-66 s’il le juge nécessaire, à la suite d’un examen rigoureux des autres enjeux et infractions.

Honorables sénateurs, je félicite le gouvernement d’avoir présenté publiquement ses excuses à la communauté LGBTQ2 ainsi que d’avoir présenté le projet de loi. J’encourage fortement le premier ministre et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à tenir compte du rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur le projet de loi C-66 ainsi que des observations qu’il contient.

Honorables sénateurs, j’aimerais terminer mon discours par un autre extrait des propos du ministre Scott Brison en entrevue :

D’après mon expérience, lorsque l’on donne aux gens l’occasion d’être progressistes, ils la saisissent presque sans exception. Les gens sont foncièrement bons.

Je crois que la réaction des Canadiens aux excuses du premier ministre et l’appui du public à l’endroit du projet de loi montrent à quel point cette déclaration est vraie.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président : informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

le 23 mai 2018

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 23 mai 2018 à 14 h 12.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

La secrétaire de la gouverneure générale,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 23 mai 2018 :

Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence (projet de loi S-5, chapitre 9, 2018)

Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (projet de loi C-49, chapitre 10, 2018)

(1450)

[Traduction]

Le Code canadien du travail

La Loi sur les relations de travail au Parlement

La Loi no 1 d’exécution du budget de 2017

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Hartling, appuyée par l’honorable sénateur Wetston, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C- 65. Je veux remercier la sénatrice Hartling du leadership qu’elle exerce en parrainant cet important projet de loi et de toutes les années qu’elle a consacrées à lutter contre la violence à l’endroit des femmes et des enfants. Ce projet de loi touche personnellement le Sénat. Il aura des répercussions importantes sur notre milieu de travail en tant qu’organisme autorégulé.

D’un point de vue plus large, ce projet de loi changera les milieux de travail partout au Canada. Selon Emploi et Développement social Canada, 8 p. 100 des salariés, soit environ 1,2 million de personnes, seront touchés par le projet de loi C-65. Un nombre incalculable de conjoints, d’époux, de familles et de collectivités profiteront de l’amélioration du milieu de travail de plus d’un million de personnes. C’est, évidemment, l’objectif du projet de loi C-65. Je salue l’initiative de la ministre Hajdu. Cependant, la version actuelle du projet de loi lui permet-elle d’atteindre son plein potentiel?

Il nous revient à nous, sénateurs, malgré les contraintes du programme législatif actuel, de déterminer si le projet de loi C-65 prévoit les mécanismes nécessaires pour à la fois empêcher le harcèlement au travail et permettre aux victimes d’obtenir justice et réparation lorsque la prévention a échoué. Peu de temps après ma nomination à titre de sénatrice, peut-être en raison de mon bagage juridique dans le domaine, on a commencé à me raconter des histoires personnelles d’intimidation et d’autres formes de harcèlement exercées par quelques sénateurs, dont certains sont toujours en poste.

Comme nous l’a dit la ministre Hajdu hier, ce projet de loi constitue un excellent point de départ pour appuyer les personnes qui travaillent avec nous, ainsi que l’ensemble des fonctionnaires. Toutefois, quelques changements importants permettraient de renforcer l’objet et la structure du projet de loi, et l’amélioration des mécanismes de protection et des procédures favoriserait un investissement à long terme dans la productivité.

D’un seul geste, nous pourrions intégrer dans le projet de loi les valeurs liées aux droits de la personne en ayant recours à l’expertise gouvernementale existante et à la méthode d’analyse comparative entre les sexes plus, dans une perspective intersectionnelle axée sur les survivants.

Pour que nous puissions renforcer le projet de loi en y inscrivant les valeurs liées aux droits de la personne, je demande aujourd’hui aux honorables sénateurs qui sont membres du comité de tenir compte des points suivants lorsqu’ils examineront le projet de loi et qu’ils prépareront le rapport à l’intention du Sénat. Je suis consciente du fait que le projet de loi doit être adopté dans les plus brefs délais. Nous souhaitons étendre les mécanismes de protection aux employés de la Colline du Parlement le plus rapidement possible.

Par ailleurs, c’est l’occasion idéale de tirer des leçons de tentatives législatives antérieures qui n’ont pas réussi à prévenir le harcèlement et à y répondre d’une manière efficace et équitable.

Comme j’y ai fait allusion hier dans ma question à l’intention de la ministre Hajdu, le projet de loi doit être axé encore davantage sur les facteurs qui permettent de créer un milieu de travail sûr et respectueux. Pourquoi, dans sa version actuelle, le projet de loi restreint-il les recours possibles? L’idée de faciliter le processus bureaucratique n’est pas une bonne raison pour limiter l’accès aux recours appropriés.

Les demandeurs doivent avoir le droit de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne à quelque moment que ce soit du processus interne de traitement des plaintes. Dans son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, la présidente de la commission, Marie-Claude Landry, a déclaré ce qui suit :

[…] pour mettre fin au harcèlement, et en particulier au harcèlement sexuel, les victimes doivent absolument se sentir en sécurité, habilitées et soutenues. C’est ainsi qu’elles avanceront. Toutefois, le projet de loi ne va pas assez loin à cet égard […]

Tout nouveau processus doit être un complément, et il ne doit pas limiter ou retarder l’accès à la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne […]

En raison de mon expérience d’avocate des droits de la personne représentant les survivants, d’ancienne commissaire en chef de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan et d’ancienne membre du Tribunal canadien des droits de la personne, j’ai constaté comment le fait qu’un organisme établisse un lieu et une procédure pour demander réparation peut transformer une victime en survivant.

Le projet de loi C-65 fait déjà beaucoup pour protéger les employés qui n’étaient pas couverts par le Code canadien du travail et la Loi sur les relations de travail au Parlement.

Voici quelques changements clés susceptibles de renforcer les protections dans tous les milieux de travail couverts, mais surtout le nôtre, en partie parce que, à titre de sénateurs, nous jouissons d’une « sécurité d’emploi » extraordinaire et que nos processus de gouvernance internes sont souvent masqués du fait que tout est confidentiel à outrance — au point que cela en est choquant, du moins pour moi. Cette confidentialité est rendue possible en l’absence de mesure législative visant à protéger ceux qui travaillent pour nous — nos assistants, consultants et pages, par exemple.

Les plaintes devraient être traitées selon leur bien-fondé, et non au motif d’un article dont le libellé transpire les préjugés. L’emploi des termes « futile, frivole ou vexatoire » comme motif pour refuser de donner suite à une plainte présente le risque d’invalider sur un caprice la réclamation d’un survivant. Pourquoi contester ce libellé, mis à part son caractère archaïque? Parce que, mesdames et messieurs les sénateurs, ce qui est « vexatoire » pour un employeur qui détient privilèges et pouvoirs peut l’être lorsqu’on est remis en question, lorsque l’exercice que nous faisons de nos privilèges et de nos pouvoirs est contesté par un sous-fifre. De la même façon, ce qui est considéré comme une plainte futile ou frivole par celui qui détient le pouvoir peut constituer une expérience catastrophique pour un employé. Autrement dit, l’utilisation dans une loi moderne des qualificatifs hautement subjectifs que sont les mots « futile, frivole ou vexatoire » perpétue la possibilité de blâmer les victimes par ceux qui sont en position de pouvoir.

Le projet de loi doit comporter une norme de procédure propre à garantir aux plaignants équité et application régulière de la loi. Il doit utiliser un langage plus neutre qui correspond au souci essentiel, à savoir les abus de procédure. Voilà l’objectif de cet article. Disons-le donc clairement au lieu d’utiliser des termes empreints de préjugés.

En ce qui concerne notre milieu de travail, où les employés ont des contrats de travail, il faut prévoir des normes minimales dans le projet de loi, notamment des échéanciers précis et une formation obligatoire pour toutes les personnes qui participent au processus décisionnel. Nous vivons à l’ère des mouvements #MoiAussi et #TimesUp, où le harcèlement et la violence sont moins tolérés au travail et où les intimidateurs sont dénoncés et doivent répondre de leurs actes plus souvent. Le présent gouvernement a mis l’égalité hommes-femmes au premier plan de son mandat. L’égalité hommes-femmes est, sans conteste, l’un des principaux moteurs de la productivité économique. Nous avons besoin de cette mesure législative et nous devons éviter les beaux discours opportunistes sur le féminisme et nous concentrer sur l’application et la reddition de comptes. Elle signifie que l’époque du harcèlement au travail est bien révolue. Le Canada peut être un chef de file sur la question de l’égalité, de la dignité et de la justice pour que les employés puissent vraiment faire valoir leurs droits.

[Français]

J’encourage mes collègues à examiner les suggestions que je viens de mettre de l’avant et à y apporter des modifications lorsque le projet de loi fera l’objet d’une étude en comité. Au cours des derniers mois, j’ai entendu les témoignages de plusieurs survivantes et survivants de harcèlement sur la Colline, particulièrement au Sénat. Je vous assure que cela n’est pas pris à la légère. Les impacts sont grands et la portée de cette loi l’est encore plus.

(1500)

Chers collègues, j’écoute activement les délibérations et j’ai hâte de voir ce que les membres du comité proposeront comme suggestions pour améliorer la protection des employés sur la Colline.

[Traduction]

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017.

Sénatrice Hartling, je vous remercie d’avoir parrainé cette mesure. Je souscris aux principes du projet de loi C-65 parce que le harcèlement en milieu de travail est inacceptable. J’apprécie particulièrement l’importance accordée à la santé mentale et au bien-être des survivants, l’utilisation de l’analyse comparative entre les sexes plus et la reconnaissance du fait que le harcèlement au travail a des répercussions sur les groupes marginalisés. Les femmes, les personnes handicapées, les membres de la communauté LGBTQ, les Canadiens appartenant à une minorité raciale et d’autres groupes marginalisés sont particulièrement vulnérables au harcèlement.

Voici quelques éléments préoccupants que le comité devrait prendre en compte lors de l’examen du projet de loi C-65.

Dans le projet de loi C-65, on utilise le terme « victime », mais j’utiliserai le terme « survivant ». Ce choix vise à mettre en lumière la force et la résilience des gens qui ont survécu au harcèlement et qui doivent composer avec les séquelles persistantes de tels abus.

Avant la pause, la sénatrice Hartling a attiré notre attention sur le sigle PRS, qui correspond aux trois piliers sous-tendant cette mesure, soit la prévention, la réaction efficace et le soutien aux survivants.

Ma première préoccupation tient à la prévention du harcèlement. Je suggère que le volet sensibilisation de ce projet de loi soit plus inclusif. Tout le monde a besoin de formation sur le harcèlement en milieu de travail, pas uniquement les répondants désignés. Il est important de créer une culture de respect et de reddition de comptes pour protéger les personnes vulnérables au harcèlement. C’est en offrant des séances d’information sur le consentement, le harcèlement, les limites acceptables et les préjugés qu’il sera possible de commencer à établir la culture désirée.

Ma deuxième préoccupation tient à la portée de la « réaction efficace ». Les survivants sont confrontés à une longue attente entre le moment où ils signalent l’abus et la résolution du problème. Ce long délai engendre chez eux de la frustration, un sentiment de rejet et une exacerbation du traumatisme. Compte tenu de ces obstacles, de nombreux survivants retirent leur plainte, éprouvent des problèmes de santé liés au stress qui ont une incidence sur leur rendement professionnel, et bien d’autres décident tout simplement de ne pas porter plainte.

Pour traiter efficacement les plaintes de harcèlement, il faut prévoir un délai plus court pour assurer le bien-être des survivants. Des processus de traitement prolongés et désordonnés sont plus susceptibles de traumatiser les survivants de nouveau, puisqu’ils continuent de revivre le traumatisme jusqu’à la résolution de la situation. Un long processus signifie aussi que le harceleur peut continuer de causer des préjudices pendant ledit processus.

Ma troisième préoccupation s’inscrit dans la catégorie « appuyer les survivants ». On constate dans le projet de loi C-65 une lacune en ce qui concerne les services juridiques proposés pour les survivants. L’appui fourni doit inclure des services d’aide juridique, car, comme on le sait tous, demander un avis juridique est souvent très coûteux. Accroître l’accès à des services juridiques pour les employés victimes de harcèlement est une mesure pratique et concrète et permettra d’éliminer l’un des nombreux obstacles à la justice.

Ma dernière préoccupation a trait à la responsabilité des personnes qui sont témoins d’actes de harcèlement. Je crois qu’il faut établir un protocole pour encourager les témoins à intervenir et à signaler les cas de harcèlement. À l’heure actuelle, le signalement d’un cas de harcèlement incombe au survivant. C’est un lourd fardeau à porter, et le survivant doit avoir la capacité, l’énergie et les ressources nécessaires pour subir ce processus éprouvant. Améliorer le processus de plainte en vue d’inclure le signalement de témoins permettra de protéger les survivants et favorisera une plus grande responsabilisation des collègues.

Honorables collègues, je vous remercie de tenir compte des nombreuses façons dont le projet de loi C-65 peut changer la vie des employés, y compris celle de nos propres employés de soutien. J’ai très hâte de constater par moi-même les changements qu’apportera le projet de loi C-65 dans notre milieu de travail. Ce projet de loi permettra de protéger les employés et favorisera au Sénat un milieu de travail coopératif et sain.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Bernard, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Bernard : Oui.

[Français]

L’honorable Josée Verner : J’ai écouté avec beaucoup d’attention votre discours sur le projet de loi en question. Cela m’a rappelé également que vous avez pris la parole dans le cadre de l’interpellation qui avait été lancée par notre collègue, la sénatrice McPhedran, sur les procédures en matière de plaintes pour harcèlement sexuel.

Dans votre discours, vous avez parlé des délais et de la longueur des procédures, qui font en sorte que les victimes de harcèlement sexuel se trouvent encore plus longtemps aux prises avec ce processus. Elles continuent de vivre beaucoup de stress en raison de ce qu’elles ont vécu.

Selon vous, quel serait l’échéancier idéal? Lorsque vous avez pris la parole dans le cadre de l’interpellation sur le harcèlement sexuel, vous avez fait référence à d’anciens employés du Sénat qui s’étaient confiés dans les médias et qui avaient dit que les premières plaintes concernant l’ancien sénateur Meredith avaient été présentées en 2013. Aujourd’hui, nous sommes en 2018, et nous attendons toujours les conclusions d’un rapport à cet égard. Croyez-vous qu’une période de cinq ans représente un délai raisonnable, compte tenu du stress supplémentaire que subissent ces personnes maintenant?

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Je vous remercie de votre question. À mon avis, un délai de cinq ans pour le traitement d’une plainte, tout particulièrement une plainte de ce genre, est beaucoup trop long. Il nous incombe de veiller à ce que de telles plaintes soient traitées en temps opportun. Je ne sais pas quel pourrait être un délai acceptable, mais je suis convaincue que cinq ans, voire deux ans, c’est beaucoup trop long.

Il ne faut pas oublier que, chaque fois que les victimes sont amenées à revisiter l’incident, elles doivent raconter à nouveau leur histoire et se remémorer la violence qu’elles ont vécue. Elles doivent revivre le harcèlement qu’elles ont subi. Leur niveau de stress augmente et leur travail en subit les conséquences. Il est évident que nous devons être interpellés par leur travail au Sénat. Qui plus est, nous devons nous pencher sur les répercussions sur la vie des gens ainsi que sur la façon dont cela les atteint. Plus l’enquête dure longtemps, plus c’est difficile pour eux.

(Sur la motion de la sénatrice Saint-Germain, le débat est ajourné.)

(1510)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Moncion, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), tel que modifié.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-237, qui propose de modifier l’article 347 du Code criminel en faisant passer le taux d’intérêt criminel de 60 p. 100 au taux de financement à un jour de la Banque du Canada majoré de 45 p. 100.

À mon avis, le taux devrait être beaucoup moins élevé que 45 p. 100 lorsque l’argent est emprunté à des fins personnelles, familiales ou ménagères. L’établissement d’un plafond sur les taux d’intérêt des types de crédit coûteux peut contribuer à atténuer les effets oppressifs des pratiques de prêt abusives sur les pauvres.

Je félicite la sénatrice Ringuette de ses efforts pour enrayer les pratiques de prêt abusives. Elle a initialement proposé un plafond de 20 p. 100 au-dessus du taux de financement à un jour. Le Comité des banques a voté et a décidé, avec dissidence, d’augmenter le nouveau taux proposé à 45 p. 100. La sénatrice Ringuette a souligné que, au Québec, les taux d’intérêt à la consommation sont plafonnés à 35 p. 100. L’expérience du Québec semble appuyer le principe plein de bon sens qui veut que l’économie canadienne puisse fonctionner et s’épanouir sans avoir à imposer des taux d’intérêt de 45 p. 100, et encore moins de 60 p. 100, aux pauvres.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à considérer l’adoption du projet de loi S-237 comme une étape qui s’inscrit dans une vaste approche visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion financière au Canada. Cependant, étant donné ce que nous savons au sujet des répercussions économiques des taux d’intérêt usuraires sur les plus vulnérables, je vous exhorte aussi à envisager de rétablir le plafond initial de 20 p. 100 avant d’adopter le projet de loi.

Le crédit à frais élevés contribue aux cycles de l’endettement et de la pauvreté chez les membres les plus marginalisés de la société.

[Français]

Selon Statistique Canada, un Canadien sur sept vit dans la pauvreté.

[Traduction]

La pauvreté frappe le plus durement lorsque le sexe, la race ou un handicap entre en jeu : 28 p. 100 des femmes racialisées et 33 p. 100 des femmes handicapées vivent sous le seuil de faible revenu utilisé par Statistique Canada, à l’instar de 36 p. 100 des femmes autochtones vivant hors réserve.

Près du quart des enfants élevés uniquement par leur mère vivent dans la pauvreté, à l’instar de la moitié des enfants ayant le statut d’Autochtone. La pauvreté vécue par les enfants est aggravée lorsque leurs parents sont forcés de se tourner vers le crédit à frais élevé pour subvenir à leurs besoins. De plus, on sait que, afin de composer avec la pauvreté, beaucoup trop de gens font des choses pour joindre les deux bouts qui peuvent entraîner leur judiciarisation, leur incarcération et leur séparation de la famille qu’ils s’efforcent de faire vivre.

L’inégalité et le sentiment d’impuissance font partie intégrante des pratiques de prêt abusives. Les riches ont facilement accès au crédit à des taux abordables souvent en deçà du taux préférentiel, mais les institutions financières conventionnelles refusent régulièrement d’accorder des prêts aux pauvres, ce qui les force à compter sur des prêteurs marginaux, qui imposent des taux usuraires élevés.

Hier, j’ai discuté avec quelqu’un qui, quelques mois après avoir obtenu seulement 100 $ de Cash Money — qui est une entreprise de prêt d’argent — a dû rembourser plus de 1 000 $. Elle m’a raconté à quel point elle a eu honte de devoir plaider sa cause à d’autres personnes lorsqu’elle s’est rendu compte que le poids de sa dette pourrait la pousser à devenir itinérante ou à commettre des crimes. Elle a même pensé au suicide. Elle a habilement décrit la pratique abusive comme suit :

C’est tellement facile d’obtenir de l’argent avec eux, mais, du coup, ils vous font crouler sous une dette colossale. C’est un énorme piège, et la trappe n’ouvre que dans un sens […]

Dans la mesure où ils sont réglementés par les provinces, les prêts sur salaire ne sont pas visés par le projet de loi S-237, mais ils sont peut-être le produit le plus connu qu’offrent les prêteurs marginaux. Nombre d’entre eux offrent du crédit sous diverses formes, comme les prêts à tempérament à taux d’intérêt élevé, et ce sont ces formes de crédit qui sont visées par le projet de loi.

Chers collègues, que feriez-vous si vous étiez dans la position d’Helen Parry, une grand-mère de Brampton qui, d’après un reportage de CBC en 2015, devait subvenir aux besoins de deux enfants adultes avec un salaire qui n’avait pas augmenté depuis huit ans? Le prêt qu’elle a demandé à une institution financière lui a été refusé. Elle s’est ensuite adressée à un prêteur d’argent, qui a accepté de lui accorder un prêt de 3 100 $ à rembourser en 18 mois. Il s’agissait d’un prêt à tempérament.

Après quelques mois, Mme Parry s’est fait offrir, par son prêteur, une somme plus importante à rembourser sur une plus longue période. Elle a accepté : son nouveau prêt, qui s’élevait à 5 100 $, devait être remboursé en 36 mois. Le prêteur a dit à Mme Parry que, à la fin de la période de remboursement, elle aura payé en tout 9 521, 90 $.

Peter Gorham, un actuaire qui atteste les taux d’intérêt criminels, a calculé que le taux d’intérêt réel du prêt de Mme Parry pourrait s’élever à 57,12 p. 100. Pire encore, si on ajoute l’assurance « optionnelle » que Mme Parry a prise sur son prêt, elle aura payé en tout 13 400 $ au terme de la période de 36 mois. En ajoutant ce produit, M. Gorham a évalué le taux d’intérêt réel du prêt de Mme Parry à 120,3 p. 100.

Voilà le genre de produits qui sont visés par la modification législative proposée par le projet de loi S-237.

Dans le témoignage qu’elle a livré devant le comité, Courtney Mo, de l’organisme de lutte contre la pauvreté Momentum, à Calgary, a soulevé la question de l’iniquité sous-jacente des taux d’intérêt. Elle a déclaré ceci :

Les personnes les moins capables d’emprunter sont celles qui paient le plus cher.

Elle a également dit ceci :

Ces prêts servent fréquemment à couvrir des besoins fondamentaux, ce qui signifie que beaucoup de personnes à faible revenu paient 60 p. 100 d’intérêt et plus sur l’épicerie, le loyer ou les couches.

Les données appuient ces observations. Un sondage récent a révélé que ceux qui se tournent vers le crédit à taux d’intérêt élevé l’utilisent principalement pour se payer de la nourriture, payer leur logement, s’acquitter de leurs factures et soulager leur pauvreté. En fait, près d’un répondant sur trois a déclaré avoir recours à des prêts à intérêts élevés pour se payer de la nourriture. Pire encore, beaucoup de gens qui vivent de l’aide sociale s’exposent au risque que l’argent qu’ils empruntent sera considéré comme un « revenu » ou des « actifs » et sera déduit du montant qu’ils reçoivent de l’aide sociale.

Cette mesure législative contribuera à lutter contre les actes prédateurs scandaleux des prêteurs marginaux en faisant passer le plafond des taux usuraires pour les emprunts contractés par les ménages du taux incroyablement élevé actuel de 60 p. 100 à celui de 45 p. 100 au-dessus du taux de financement à un jour de la Banque du Canada. Je crois que nous pouvons et que nous devons faire mieux.

Un taux d’intérêt de 45 p. 100 demeure trop élevé lorsque nous reconnaissons la réalité : c’est une surcharge que les plus pauvres paient lorsqu’ils empruntent de l’argent pour couvrir leurs besoins essentiels.

Honorables sénateurs, en plus d’adopter le projet de loi S-237, nous devons porter notre attention sur les réalités des effets dévastateurs de la pauvreté ainsi que sur les conséquences de l’exclusion financière. Lorsque les gens ont recours au crédit à taux d’intérêt élevé, ce n’est pas parce qu’ils ne comprennent pas que les emprunts auprès de prêteurs marginaux leur coûteront plus cher que s’ils allaient à la banque; c’est parce que, en raison de leur pauvreté, des préjugés systémiques ou de leur emplacement géographique, les grandes institutions financières ne sont pas accueillantes envers eux ou accessibles. Autrement dit, la plupart des grandes banques ne souhaitent pas faire affaire avec eux.

C’est ce que les chercheurs appellent l’exclusion financière. Les faits montrent que ceux qui sont les plus touchés par l’exclusion financière sont les personnes à faible revenu, les Autochtones, les femmes et les familles monoparentales. Pour régler le problème du crédit à frais élevés, le gouvernement fédéral doit exercer le pouvoir qu’il a de réglementer les services bancaires de manière à favoriser un accès égal aux services bancaires de base, y compris le crédit abordable, pour tous, surtout les plus vulnérables, c’est-à-dire les pauvres.

[Français]

Nous devons également créer une société plus juste en assurant à tous les Canadiens un revenu suffisant pour qu’ils puissent satisfaire à leurs besoins et à ceux de leur famille.

[Traduction]

Le professeur Jerry Buckland, dont le livre intitulé Hard Choices présente l’étude la plus exhaustive sur l’exclusion financière au Canada, écrit que l’une des meilleures façons de surmonter l’exclusion financière consiste probablement à remédier à la pauvreté.

Une des façons dont le Canada pourrait remédier à l’iniquité engendrée par la pauvreté est actuellement mise à l’essai par le gouvernement de l’Ontario. Il s’agit du Projet pilote portant sur le revenu de base, auquel participent deux groupes : le groupe du revenu de base, qui touche des paiements mensuels de revenu de base pendant une période maximale de trois ans et un groupe témoin, qui ne touche pas de paiements de revenu de base mais participe activement aux travaux de recherche.

Des évaluateurs tiers comparent ensuite ces deux groupes afin de déterminer dans quelle mesure le revenu de base aide les personnes qui touchent un faible revenu à satisfaire leurs besoins de base et à améliorer leur éducation, leur logement, leurs perspectives d’emploi et leur santé.

(1520)

La mise en place d’un revenu raisonnable garanti au Canada assurerait que tout le monde ait les moyens financiers pour accéder à du crédit raisonnable et abordable. Plus important encore, cela permettrait de créer une société où les gens peuvent satisfaire leurs besoins essentiels sans être obligés d’emprunter.

[Français]

Honorables collègues, à la lumière des points que je viens d’énoncer, j’appuie les efforts de la sénatrice Ringuette qui visent à réduire les taux d’intérêt criminels pour les prêts destinés à des fins personnelles, familiales ou ménagères.

[Traduction]

Ce projet de loi représente une avancée important pour réduire l’inégalité entre ce que les riches et les pauvres paient pour obtenir du crédit, mais l’écart criant qui existe toujours est inacceptable. Honorables sénateurs, nous devons travailler ensemble pour diminuer le plafond de 45 p. 100, et nous devons nous engager à adopter des mesures exhaustives pour combattre la pauvreté et l’exclusion financière au Canada. Merci. Meegwetch.

L’honorable Pierrette Ringuette : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Pate : Certainement.

La sénatrice Ringuette : Je participe à cette lutte depuis de nombreuses années, et j’entends constamment le même message de la part des 10 p. 100 des gens qui ont les revenus les plus élevés au Canada, qui disent que le problème relève du manque d’éducation en matière financière. C’est facile de dire cela quand on gagne 100 000 $ par année, mais comment peut-on joindre les deux bouts si on ne dispose que de 10 000 $ par année pour subsister et qu’on a une famille? Une telle personne a besoin de beaucoup plus d’éducation en matière financière que quelqu’un qui gagne 100 000 $ par année.

Je comprends, honorable sénatrice — et voici ma question —, que vous êtes une personne très sensible et que vous êtes très proche des personnes dont vous avez parlé dans votre discours. Selon votre expérience, est-ce que la solution à ce problème de taux abusifs est de fournir aux gens à faible revenu une éducation en matière financière?

La sénatrice Pate : Je vous remercie de votre question.

Non, en fait, selon mon expérience dans ce domaine, la réalité est que les taux offerts aux gens à faible revenu ne sont tout simplement pas adéquats. Il n’y a pas une seule province ni un seul territoire au Canada où l’assistance sociale est suffisante pour que les gens puissent subvenir à leurs besoins. Ce n’est pas une question de littératie ou de compétences financières. Il s’agit plutôt d’une insuffisance de ressources.

La sénatrice Ringuette : Merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

L’étude sur l’élaboration d’une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l’Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada

Adoption du sixième rapport du Comité des transports et des communications et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur MacDonald, appuyée par l’honorable sénateur Patterson,

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, intitulé Des pipelines pour le pétrole : protéger notre économie, respecter notre environnement, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 7 décembre 2016, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Ressources naturelles ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports et des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion donnant instruction à l’Administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour tout autre site web connexe jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière jusqu’à ce que le processus mené par le conseiller sénatorial en éthique à la suite d’une demande d’enquête présentée en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs portant sur le contenu du site Web de la sénatrice Beyak et sur ses obligations au titre du Code soit conclu, que ce soit par suite du dépôt de la lettre de détermination préliminaire ou du rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, de la présentation d’un rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou d’une décision du Sénat sur la question.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière » par le mot « Que, »;

2.par adjonction, immédiatement après le mot « question » de ce qui suit :

« , instruction soit donnée à l’administration du Sénat de :

a)retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site Web de la sénatrice Beyak (lynnbeyak.sencanada.ca) et de tout autre site Web hébergé par un serveur du Sénat;

b)ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site Web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres ».

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 302 de la sénatrice Pate, qui réclame qu’on donne instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site web de cette dernière jusqu’à la conclusion du processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique.

Je m’oppose au paragraphe a) de l’amendement du sénateur Pratte, qui propose qu’on retire les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site web de la sénatrice Beyak et de tout autre site web hébergé par un serveur du Sénat. Il est inadmissible que des propos haineux se trouvent sur le site de la sénatrice Beyak. Notre rôle consiste à représenter et à défendre les Canadiens. Ces lettres discriminatoires visent des groupes particulièrement vulnérables de Canadiens : les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

L’amendement proposé permet à la sénatrice Beyak de continuer de publier des lettres comme bon lui semble sur son site web, qui est hébergé par un serveur du Sénat.

Dans bon nombre de ces lettres, on prône l’assimilation et le génocide culturels. Les propos qu’elles renferment sont problématiques, car ils communiquent des messages haineux visant des communautés autochtones. Elles ne sont pas dans l’intérêt des Autochtones.

Dans son discours du 1er mai, la sénatrice Dyck a fourni des exemples qui illustrent comment les lettres diffusées enfreignent la Charte des droits et libertés, qui l’emporte sur la liberté de parole. La liberté de parole d’un individu n’a pas préséance sur le droit d’un autre Canadien à la sécurité et à la dignité.

La sénatrice Dyck a indiqué que la sénatrice Beyak avait ajouté des lettres à son site web hébergé sur le serveur du Sénat alors que nous débattions de l’amendement que propose le sénateur Pratte à la motion de la sénatrice Pate. La sénatrice Beyak a indiqué que, tant et aussi longtemps que son site web sera hébergé sur le serveur du Sénat, le Sénat n’aura rien à dire sur le contenu qu’elle télécharge ou qu’elle continue d’afficher. J’appuie le retrait de son site web en entier jusqu’à ce que le conseiller sénatorial en éthique ait rendu sa décision sur le contenu.

(1530)

Si on maintient le site actif tout en sachant que la sénatrice Beyak va continuer d’afficher des lettres, on donne une tribune au racisme. J’ai peur que ces lettres deviennent de plus en plus violentes. En permettant la publication de nouvelles lettres, on crée une tribune pour la haine, le racisme et la diffusion de renseignements erronés au sujet des pensionnats autochtones, des certificats de statut d’Indien et de la vérification des finances des Premières Nations, par exemple.

Il ne s’agit pas simplement d’être en désaccord avec un point de vue ou une critique de la « rectitude politique ». Le but de la « rectitude politique » n’est pas d’empêcher la discussion, mais plutôt d’empêcher que des expressions négatives perpétuent les stéréotypes. On ne voudrait pas que des propos méprisants et désobligeants à l’égard des communautés marginalisées guident les discussions. J’encourage les discussions sur la colonisation et sur les pratiques préjudiciables — historiques et actuelles — liées à l’assimilation et au racisme, mais j’insiste pour que nous les tenions sans utiliser un langage violent et péjoratif.

Être témoin de racisme a un effet cumulatif négatif sur les Canadiens racialisés. Je suis d’accord avec la sénatrice Dyck pour dire que les courriels ou les lettres racistes ont un impact particulièrement négatif sur le lecteur. Notre collègue nous a dit à quel point ces lettres l’avaient touchée. Je prends ses paroles au sérieux et je peux imaginer l’incidence que ces lettres peuvent avoir sur d’autres Canadiens qui considèrent le site web de leur sénatrice comme un exemple de langage et de comportement acceptables envers les peuples autochtones.

Les effets sur la santé et le bien-être de ces personnes qui font l’objet de racisme sont pernicieux et durables. Nous avons la capacité ici de contrôler la possibilité que les Canadiens soient exposés de façon répétée à cette haine sur un site web hébergé sur un serveur du Sénat du Canada, et j’espère que chacun de nous prendra le temps de comprendre la gravité de la situation et les dangers qui se posent quand on cause de tels torts.

Honorables sénateurs, pour les motifs que j’ai présentés, soit les conséquences néfastes de l’exposition au racisme et le risque que d’autres lettres soient publiées, j’appuie la motion no 302 de la sénatrice Pate et je m’oppose à l’amendement du sénateur Pratte.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Motion tendant à encourager le gouvernement à mettre sur pied une stratégie et un réseau national d’alerte Silver—Ajournement du débat

L’honorable Pamela Wallin, conformément au préavis donné le 22 mai 2018, propose :

Que le Sénat encourage le gouvernement du Canada à travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d’autres partis intéressés afin de mettre sur pied une stratégie et un réseau national d’alerte Silver, inspirés des modèles des provinces de l’Alberta et du Manitoba, afin de faciliter la retrouvaille des adultes atteints de déficience cognitive portés disparus;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion déposée hier et appuyée par le sénateur Plett. Je le remercie de son soutien.

Cet enjeu dépasse les allégeances politiques. Nous connaissons tous une personne ou nous avons tous un membre de notre famille qui souffre de démence, de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre trouble cognitif. J’ai vécu cette situation avec ma mère et ma grand-mère; leur état de santé s’est rapidement détérioré dans les deux cas. Nous vivions dans la crainte constante qu’elles sortent de la maison et se perdent. C’est une peur que partagent des milliers de familles et d’aidants naturels.

Une stratégie d’alerte Silver est un excellent point de départ. Elle reprend les éléments du système d’alerte Amber, qui vise à retrouver les enfants disparus et enlevés. Son efficacité a déjà été démontrée. Étant donné les similitudes entre les deux systèmes, ils pourraient facilement être intégrés, ce qui ferait de l’alerte Silver une stratégie efficiente pour aider à retrouver des proches.

Au Canada, l’Alberta et le Manitoba ont ouvert la voie en adoptant des projets de loi qui mettent en œuvre le système. L’Ontario a tenté d’en établir un, mais il a échoué à la suite du déclenchement des élections en 2011. Je remercie l’ancienne députée provinciale libérale Sophia Aggelonitis, qui m’a contactée pour me parler de l’enjeu. Son travail important et sa détermination aident un très grand nombre de personnes. Elle a notamment recueilli un millier de signatures pour une pétition électronique.

Aux États-Unis, nombre d’administrations ont également adopté un système d’alerte Silver. Selon les statistiques recueillies par des villes et des États américains, le système s’est avéré efficace chez nos voisins du Sud. Pendant les cinq mois qui ont suivi sa mise en place, en 2014, le système du Wisconsin a permis de sauver la vie de 15 personnes âgées, y compris un homme de 80 ans qui gisait blessé sur une terre agricole, une situation que beaucoup de familles redoutent dans les régions rurales. Selon les policiers, le système a directement contribué à lui sauver la vie.

En Floride, le système d’alerte Silver est régulièrement utilisé, avec succès, pour retrouver des personnes disparues. Selon les exemples de réussite cités, une foule d’intervenants — y compris des policiers, des employés d’hôpitaux, des gens qui travaillent dans un dépanneur et de simples citoyens — ont aidé à retrouver des personnes qu’ils ont reconnues grâce à une alerte Silver.

Au Texas, où le système d’alerte Amber a été créé, le système d’alerte Silver est employé depuis 2007. Pendant la première année qui a suivi sa mise en place, il s’est avéré efficace dans presque tous les cas.

Depuis sa mise en place en 2009, le système d’alerte Silver de l’Indiana s’est avéré efficace dans 200 des 235 cas où il a été utilisé, ce qui démontre de toute évidence que le système fonctionne.

La création d’un système d’alerte Silver au Canada serait un excellent complément à nombre d’initiatives actuellement en place, comme le programme Project Lifesaver, qui fournit des bracelets de localisation aux personnes atteintes de démence, ou encore le village pour personnes atteintes de démence qui devrait ouvrir ses portes l’année prochaine à Langley, en Colombie-Britannique.

En raison des effets dégénératifs et dévastateurs de la démence et de la maladie d’Alzheimer, bien des familles peinent à trouver des façons de composer avec un problème qui fait maintenant partie de leur quotidien. Pensons à la situation de Kathryn, qui, à 21 ans, a quitté son emploi de débutante pour emménager chez sa mère lorsqu’on a diagnostiqué chez celle-ci la maladie d’Alzheimer à début précoce. En racontant à quel rythme la maladie l’a privée de sa mère, Kathryn a dit que sa mère a commencé par faire des fautes d’orthographe dans son prénom et qu’elle a fini par avoir de la difficulté à accomplir de simples tâches quotidiennes. Kathryn ne pouvait plus s’identifier à ses amis, qui avançaient rapidement dans leur carrière. La démence est lourde de conséquences pour toute la famille.

À l’heure actuelle, plus de 700 000 Canadiens sont atteints de démence ou de la maladie d’Alzheimer. Comme aucun diagnostic n’a été posé dans bien des cas, le nombre réel pourrait être encore plus élevé. On s’attend à ce que le nombre de cas diagnostiqués double aucours des 15 prochaines années.

Le tableau est donc bien sombre pour notre pays, qui voit sa population vieillir et les besoins en soins et en soutien aller en grandissant. Nous avons déjà une loi qui demande au gouvernement de créer une stratégie nationale sur la démence et l’Alzheimer, mais il est essentiel que l’alerte Silver soit un élément des discussions et de la solution.

Or, le gouvernement, comme nous le savons, avance parfois plutôt lentement, et nous avons besoin de mesures concrètes dans les plus brefs délais.

Les personnes atteintes de démence et de la maladie d’Alzheimer ont tendance à s’éloigner de chez elles ou de leur institution et à s’égarer. Il y a probablement en ce moment même quelqu’un qui cherche désespérément à retrouver un proche.

Comme la démence, la maladie d’Alzheimer et les autres déficiences cognitives font l’objet de préjugés, bien des personnes ont du mal à parler de leur situation et à demander de l’aide. Toutefois, des initiatives sont entreprises, et une stratégie nationale d’alerte Silver pourrait aider les Canadiens à comprendre les réalités associées au fait de vivre avec ces maladies. La sympathie pour ceux qui souffrent est une chose; l’empathie pour leur situation est la clé pour nous amener à comprendre que nous pouvons aider.

(1540)

L’alerte Silver n’est pas exactement comme l’alerte Amber, où les victimes sont souvent transportées par-delà les frontières provinciales. La nature de l’alerte Silver est beaucoup plus locale. Ainsi, un réseau fédéral aiderait chacun des systèmes provinciaux ou territoriaux à communiquer et à collaborer. Le gouvernement fédéral doit montrer l’exemple à l’échelle nationale en amorçant le dialogue pour créer une stratégie ainsi qu’un réseau favorisant la collaboration de partenaires provinciaux, territoriaux, municipaux et médiatiques.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer la motion et envoyer au gouvernement le message portant qu’un système d’alerte Silver doit être établi à l’échelle nationale. Aidons nos familles et nos aidants naturels, mais, surtout, aidons nos êtres chers à se sentir en sécurité.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’appui de la motion de la sénatrice Wallin, dont j’ai l’honneur d’avoir appuyé la proposition.

J’ai appris à connaître le système d’alerte Silver lorsqu’il a été récemment débattu et adopté par l’Assemblée législative du Manitoba, après deux cas assez médiatisés de disparition d’aînés atteints d’un trouble cognitif. Dans le premier cas, Bessie Johnson, âgée de 94 ans, était partie d’un centre pour personnes en perte d’autonomie de Riverbend par une froide soirée de novembre. Sa famille était absolument terrifiée, compte tenu du mauvais temps et du fait que le centre de soins de Winnipeg était situé aux abords de la rivière.

Bessie s’était réfugiée dans un véhicule chaud qui n’était pas fermé à clé et le propriétaire du véhicule l’avait conduite à son domicile à St. Vital sans l’apercevoir. Les propriétaires l’ont trouvée dans leur garage le matin suivant. Bessie se souvient peu de ce soir-là, mais, heureusement, après une nuit sans sommeil, sa famille l’a retrouvée.

Des familles comme celle de Bessie Johnson ont été consultées par le parrain du projet de loi, le député provincial Len Isleifson, quand il a rédigé la mesure législative. Il a aussi travaillé en collaboration avec le service de police de Brandon, la Société Alzheimer du Manitoba et plusieurs autres intervenants. La famille Johnson et d’autres qui ont vécu des situations semblables appuient avec enthousiasme cette initiative. Le fils de Bessie, Victor, a affirmé qu’une approche rapide et généralisée est sensée parce qu’elle incite les collectivités à agir plus rapidement.

L’Alberta a aussi adopté une mesure législative sur le système d’alerte Silver, et 36 États aux États-Unis ont adopté ce système.

Le projet de loi provincial permet aux organismes d’application de la loi de diffuser des alertes Silver dans le but de travailler avec les médias et le public pour retrouver des adultes ayant une déficience cognitive qui ont été portés disparus. Il aide les autorités à repérer plus facilement ces adultes vulnérables, qui sont souvent des aînés, et à rassurer leur famille.

Au Manitoba, le système s’applique à tous les adultes atteints d’Alzheimer, de démence, d’autisme, du syndrome d’Asperger et d’autres troubles similaires. Une alerte Silver inclurait des renseignements personnels sur la personne disparue, y compris son nom, une description physique, une photographie et des données sur son état de santé. On communiquerait aussi des renseignements sur le véhicule de la personne, le dernier endroit où elle a été vue et les circonstances entourant sa disparition. Au même titre que les alertes Amber sont utilisées partout en Amérique du Nord pour localiser des enfants disparus, le système d’alerte Silver permettra aux policiers, aux fournisseurs de soins de santé, aux médias et aux familles de travailler ensemble pour retrouver des adultes ayant une déficience cognitive qui se sont perdus. À l’instar du système d’alerte Amber pour les enfants disparus qui sont à risque, une alerte Silver interromprait les télédiffusions et les radiodiffusions pour communiquer des renseignements sur la personne disparue. Les alertes pourraient aussi être publiées sur des sites web et dans les médias sociaux.

Nous avons tous vu à quel point les alertes Amber sont efficaces pour ramener chez eux, sains et saufs, des enfants disparus et les réunir avec leur famille. D’après le département de la Justice des États-Unis, 924 enfants ont été sauvés grâce à ce système dans leur pays.

Au Canada, 70 enfants ont pu être rescapés en 9 ans.

La population vieillit, et le nombre de personnes atteintes de démence continue d’augmenter à un rythme effarant. En fait, plus de 700 000 Canadiens sont atteints de démence ou d’Alzheimer. Ce chiffre atteint des proportions astronomiques si on inclut tous les types de troubles cognitifs. On estime d’ailleurs que le nombre de cas devrait doubler d’ici 15 ans. Selon la Société Alzheimer de l’Ontario, trois personnes atteintes de démence sur cinq connaîtront un épisode d’errance, ce qui pose toutes sortes de problèmes aux policiers.

D’après le Globe and Mail, seulement l’an dernier, 835 personnes âgées de 61 ans ou plus ont été signalées comme disparues à la police de Toronto, du jamais vu depuis 5 ans.

Il est particulièrement difficile de chercher une personne atteinte de démence ou de troubles cognitifs, car, contrairement à un enfant, elle ignore bien souvent qu’elle est perdue, ce qui signifie qu’elle ne demandera pas d’aide. C’est sans parler du fait qu’elle risque de ne pas répondre si on l’appelle par son nom. Les personnes atteintes de démence ont parfois tendance à se tapir dans un coin hors de la vue des passants. Dans les cas les plus tragiques, elles sont retrouvées mortes, parfois à un jet de pierre de chez elles.

Comme le disait la sénatrice Wallin lorsqu’elle a lancé l’interpellation sur les alertes Silver, les régions rurales du Canada peuvent s’avérer particulièrement dangereuses. La sénatrice Wallin l’a bien dit : quand la température frôle les moins 40 pendant des mois, la moindre période d’errance peut être mortelle. Elle nous a aussi raconté l’histoire d’un homme de sa localité qui est mort parce qu’on ne l’a jamais retrouvé, même s’il était là, à la vue de tous.

Remarquez, chers collègues, qu’il peut aussi être très difficile de retrouver un adulte ayant des troubles cognitifs en ville, car il se confond alors avec tous les gens qui déambulent comme lui. Les passants n’ont aucune idée qu’il a besoin d’aide. Contrairement aux alertes Amber, les alertes Silver sont souvent diffusées dans un secteur bien circonscrit et non dans toute la province, parce que, contrairement à ce qui se passe souvent quand un enfant est enlevé, les aînés qui sont portés disparus sont moins susceptibles de parcourir de grandes distances. Voilà qui devrait atténuer les craintes de ceux qui critiquent cette initiative au motif que la multiplication des alertes pourrait finir par créer un désintérêt chez les gens, qui seraient alors moins prompts à agir, ou qui pourraient même cesser de prêter attention aux alertes. Pour éviter qu’une telle chose se produise, les alertes Silver sont destinées uniquement aux personnes qui se trouvent dans un secteur précis.

Chers collègues, il s’agit d’un enjeu d’importance nationale, et le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership. Je suis ravi que le Manitoba et l’Alberta aient déjà adopté des lois au sujet des alertes Silver. Il y a toutefois des personnes vulnérables atteintes de troubles cognitifs partout au pays. Le gouvernement du Canada doit encourager toutes les provinces à agir sans tarder et à protéger les adultes vulnérables, d’un bout à l’autre du pays, grâce à ce système qui a fait ses preuves.

Je félicite la sénatrice Wallin d’avoir présenté cette motion, et je l’appuie avec fierté. J’encourage les honorables sénateurs à penser aux Canadiens vieillissants qui souffrent de troubles cognitifs ainsi qu’à leur famille, et à voter en faveur de cette motion cruciale. Ainsi, le Sénat signalera clairement au gouvernement fédéral qu’il devra accorder une place centrale au système d’alerte Silver pendant sa prochaine rencontre avec les provinces.

L’honorable Frances Lankin : Mon intervention est une surprise, je m’en excuse. Les deux orateurs qui ont parlé de cette motion ont éveillé en moi de multiples émotions. Le moment m’apparaît bien choisi pour aborder le sujet dont je souhaitais parler pendant l’interpellation. Mon nom figure dans la liste des orateurs pour l’interpellation, et l’ajournement est à mon nom. Je souhaite toutefois intervenir à propos de la motion à l’étude.

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Ma mère souffrait d’Alzheimer. Plusieurs d’entre nous ont donné des soins à un parent atteint de démence et ont connu la tragédie de voir quelqu’un partir. Voilà le message puissant qui a motivé cette demande de stratégie nationale. Je suis heureuse que le Sénat l’ait appuyée.

C’est une initiative importante que l’on attendait depuis longtemps. Je sais gré aux provinces qui ont pris les devants en la matière et qui l’ont adoptée.

Ma mère a quitté la maison par un après-midi pluvieux et froid. Il était impossible de savoir où elle était partie. Nous avons conduit, nous l’avons cherchée partout, interrogeant les gens qui marchaient dans la rue. Quelqu’un l’avait-il vue? Comme on l’a dit, l’expérience est traumatisante. Heureusement, cela s’est bien terminé pour nous. Mon frère avait un petit Jack Russel terrier qui vivait avec nous, chez ma mère, dont nous nous occupions à tour de rôle. Lorsque nous sommes revenus à la maison, nous l’avons laissé sortir et il n’arrêtait pas d’aboyer. Mon frère a décidé de le suivre et c’est ainsi que nous avons retrouvé ma mère quatre pâtés de maisons plus loin. Transie dans sa chemise de nuit trempée, elle avait trouvé refuge dans un garage et pleurait.

L’expérience a été terrible pour elle et elle en a vécu d’autres au fil des années, comme lorsqu’elle était attachée à un lit d’hôpital sous camisole chimique. Toutes ces expériences sont bien difficiles pour les familles. Voilà une mesure bien simple, mais touchante, et je remercie les gens qui vous l’ont proposée. Je vous sais gré du travail qui a été mené dans ce dossier grâce à l’appui et à l’engagement du sénateur Plett. Pardonnez-moi mon émotion, mais j’appuie cette motion. Nous l’attendions depuis longtemps.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Richards, le débat est ajourné.)

(À 15 h 53, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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